Une monitrice éducatrice travaillant en structure d’hébergement pour adultes handicapés mentaux est confrontée à une question concernant la vie affective et sexuelle d’une jeune femme dont elle est la référente.
Jeanne, 27 ans, « gravement déficitaire », a une relation avec un jeune homme hébergé dans le même service et travaillant dans le même ESAT qu’elle. Suite à un groupe d’expression sur la vie affective et sexuelle, la jeune femme questionne sa référente pour savoir si elle prend la pilule puisqu’elle a compris « que ça empêchait d’avoir des enfants ». Elle et son compagnon disent vouloir « faire un enfant pour être une vraie famille ».
Cette question trouble la professionnelle qui ne l’imagine pas devenir mère au regard de ses limitations. Pour le médecin, la prise de la pilule est un choix relevant du droit à la vie privée : il ne peut imposer ce traitement contre son gré à la jeune femme. Le trouble exprimé par notre interlocutrice rejoint un débat de société qui traverse également l’équipe, illustrant la tension entre liberté et responsabilité, entre les droits de « toute femme à être mère » et la préoccupation « avant tout pour les besoins d’un enfant ». Certaines remarques donnent à penser que le droit des usagers est en ce cas vécu comme intenable.
Le Comité propose de regarder certains points sous un jour nouveau, car l’équipe semble traversée de sentiments forts (inquiétude et sidération, impuissance et fatalisme) qui l’empêchent d’élaborer sereinement l’expression du désir de la jeune femme et ses possibles significations.
La question de la vie affective et sexuelle de personnes en situation de handicap a été longtemps taboue dans le secteur social et médico-social, dominée par la peur de la procréation. Pourtant, depuis une vingtaine d’années, leurs droits ainsi que les représentations ont favorablement évolué. Face à une équipe qui semble démunie sur ce point, le CNADE retrace quelques points qui jalonnent cette histoire avant d’interroger : Comment sortir de l’impuissance et du fatalisme ? Comment rouvrir l’échange et être à l’écoute de ce qui pourrait se dire d’autre qu’un désir de procréer au travers de la question de la jeune femme ? Comment penser cette situation au sein du couple, avec son entourage et avec les partenaires professionnels ?