La responsable d’un service d’accompagnement de personnes majeures en situation de handicap moteur, découvre qu’une professionnelle entretient une relation amoureuse avec une des personnes qu’elle accompagne. Elle s’interroge : « D’un point de vue déontologique, y a-t-il des dispositions, des sanctions prévues dans ce cadre d’évènement ? »
Plutôt que d’aborder la question en termes de faute et de sanction, le CNADE a préféré approfondir la réflexion sur ce qui donne du sens au fait que dans le cadre de la mission assurée par le service la relation doit rester contenue dans un registre professionnel. Le lien d’accompagnement est un lien complexe qui nécessite pour le professionnel de réinterroger constamment son implication personnelle.
La relation professionnel/personne accompagnée est asymétrique : l’un connaît une vulnérabilité limitant son autonomie tandis que l’autre assure l’action compensatoire à cette vulnérabilité. Mais cette relation est aussi animée par un investissement de la personne et du professionnel. Si ce dernier agit de manière purement technicienne, sans éprouver les sentiments qui reconnaissent l’humanité de la personne accompagnée, cette dernière ne peut puiser dans ses propres affects pour élaborer sa situation. L’accompagnement est donc soutenu par des sentiments mais implique de les identifier et de les réguler. Sinon le professionnel, priorisant les affects sur la solidarité nationale sous-tendant sa mission, met en dette la personne, redevable du service qu’il lui rend, et crée ainsi une dépendance.
Cette asymétrie doit être bordée par un cadre symbolique qui fasse tiers dans la relation ; il peut être exprimé sous différentes modalités. Les conduites attendues des professionnels relativement au respect de l’autre dans son corps et dans ses choix sont formulées en termes généraux (Charte ou guide de bonnes pratiques). L’objectif est de maintenir une juste implication apte à favoriser la réalisation des objectifs professionnellement déterminés et à ne pas porter atteinte à la liberté de la personne.
L’analyse de la pratique ou la supervision permet au professionnel d’ouvrir ses questionnements relatifs à des confusions de rôle. Et la notion même d’équipe contribue au cadre symbolique. On n’accompagne pas seul, mais avec le regard de ses pairs, non pas sous la surveillance de l’autre, mais avec une bienveillance impliquant l’éventualité d’interpeller le collègue sur le mode de la sollicitude évoquée par Paul Ricoeur pour qu’il ne s’isole pas dans des confusions. La formulation d’un cadre symbolique est profondément efficiente car il fixe les places respectives et ce qu’elles laissent ouvert aux acteurs avec les modifications que cela implique éventuellement : le départ du professionnel, un changement d’affectation, le souhait de l’usager de se retirer d’une relation contractuelle…
Peut-il exister une relation amoureuse entre le professionnel et la personne accompagnée ?
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Question : 108
Peut-il exister une relation amoureuse entre le professionnel et la personne accompagnée ?