Le directeur d’un IME est confronté à la rentrée scolaire à un problème d’application de la laïcité. Une jeune fille âgée de 14 ans et accompagnée dans l’institution depuis de nombreuses années se présente « en portant le voile islamique ». Son père explique à la personne de l’accueil que sa fille est grande et doit donc obéir à certaines obligations : ne plus s’amuser avec les garçons, ne plus aller à la piscine, ne plus être reçue, seule, dans un bureau avec un homme, et porter son foulard en permanence. L’histoire commence par un malentendu : la secrétaire, seule car aucun cadre n’est disponible à cet instant, lui indique qu’elle transmettra la demande au directeur, indication que le père comprend comme un accord de l’institution sur les « consignes » qu’il vient de donner.
Dès lors, mis au débat, les échanges au sein de l’équipe ne débouchent pas sur un consensus : appliquer ce que demande ce père ? refuser ? accepter certaines demandes et pas d’autres, mais sur quels critères ? Bref, témoigne ce directeur, « j’ai l’impression que nous naviguons à vue, juste pour éviter les problèmes, mais nous n’avons pas de fil conducteur ( …) Demain on peut rencontrer le même problème avec une autre ».
Le CNADE analyse la situation : pourquoi ces « consignes » maintenant ? Que comprend cette adolescente de ces exigences ? Quelles relations ont été établies avec la famille ? Quelles sont les différentes positions des professionnels et quels sont les arguments utilisés dans le débat ? Sur quels textes s’appuie cette équipe ? Qu’en dit la Charte de la laïcité citée comme élément important ?
Après avoir interrogé le droit, le Comité propose de réfléchir sur deux scénarios distincts : le premier, appelé « une posture en miroir » consiste à opposer principes laïques et principes religieux, scénario utilisé dans l’équipe et qui mène à une impasse ; le second fait appel à une posture culturelle. Cette dernière permet de penser la situation autrement en cherchant ce qui, dans les « consignes » paternelles, point par point, relève effectivement de ses droits et devoirs de père, soucieux de l’éducation de sa fille. Le Comité conclut en proposant d’inventer une nouvelle stratégie institutionnelle, apte à relever trois défis : renouer le dialogue institution/famille, chercher le langage commun susceptible de rendre cet objectif possible, réfléchir collectivement, dans une éthique de compromis, à des mesures pouvant être considérées comme justes et pas seulement légales.