Un cadre délégataire de l’Aide sociale à l’enfance s’interroge sur la situation de deux enfants – frère et sœur- confiés au service et faisant l’objet d’une mesure judiciaire d’assistance éducative. Ces enfants, dont l’ainé est maintenant âgé de 6 ans et demi, sont accueillis depuis leur plus jeune âge dans des familles d’accueil différentes. Les liens entre eux n’ont jamais été instaurés, malgré la demande du juge, « en raison d’un conflit qui opposerait les deux familles d’accueil ».
La mère ne s’est jamais manifestée ni auprès d’eux ni auprès du service ou du juge. Elle aurait toutefois récemment exprimé en un autre lieu le souhait de reprendre ses enfants alors même que la famille d’accueil de l’ainé exprime depuis longtemps le souhait d’adopter ce garçon.
Du fait de l’absence de la mère, de l’absence de rapports écrits réguliers sur la situation, comment clarifier le statut juridique des enfants ? Que décider dans l’intérêt de chacun d’entre eux, tout en parvenant à concilier l’intérêt des deux ? Les avis sont partagés au sein de l’équipe : envisager une adoption plénière comme le demande la famille d’accueil du garçon, mais qu’en sera-t-il alors pour la fillette ? Penser à une adoption simple ? Dans les deux cas, la décision ne peut se prendre sans consulter la mère : peut-on se limiter à obtenir d’elle la signature d’un procès verbal de remise de ses enfants ? Envisager une mesure de tutelle qui laisserait le temps de travailler à l’instauration de liens entre le frère et la sœur et de mener un travail en direction de la mère pour recueillir son avis ?
Chaque point de vue est exprimé au nom de « l’intérêt de l’enfant », mais ne s’agit-il pas d’une notion bien subjective ? Le premier intérêt de l’enfant ne serait-il pas que ses droits et ceux de ses parents soient respectés ? Quel est le sens de la mission confiée au service ainsi que les rôles, place et responsabilités de chacun des intervenants : équipe pluridisciplinaire, assistant familial ? Comment œuvrer à une meilleure complémentarité des fonctions dans le respect des attributions de chacun et d’un projet élaboré en commun ? Ne serait-il pas prématuré de s’orienter vers une décision irréversible sans connaître clairement les intentions de la mère et la nature des ses difficultés à occuper une place auprès de ses enfants ? A défaut de ce travail préalable, comment permettre ultérieurement aux enfants de donner sens à leur histoire ?