L’équipe d’un Foyer de vie/FAM hésite à faire connaître à une résidente le décès d’une de ses sœurs car son autre sœur, qui l’accueille chez elle le WE, souhaite ne pas l’en informer en raison du trouble qui affecterait son comportement. Le décès de leur mère a en effet occasionné une focalisation obsessionnelle épuisante pour son entourage.
Les professionnels éprouvent un dilemme entre :
l’impossibilité pour la résidente d’élaborer un deuil s’il est dissimulé et leur crainte d’une « gaffe», générant « une perte de confiance en l’équipe »;
l’éventualité d’un « effondrement psychique », provoqué par l’annonce et l’inquiétude que sa sœur refuse de la recevoir chez elle.
Sur le plan juridique, l’équipe ne peut tenir secret le décès. Le droit à l’information est un principe de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il entre toutefois ici en tension avec le devoir de protéger la personne à l’occasion d’une information susceptible d’effets traumatisants.
Apprendre le décès d’un être cher est douloureux et conduit à manifester cette souffrance sous des formes éventuellement problématiques pour l’entourage, en l’occurrence une fixation sur l’événement comme celle de la résidente sur le décès de sa mère ou un effondrement psychique. Mais n’est-ce pas la raison d’être de l’accompagnement que d’être présent dans les événements de vie ? A cet égard, l’équipe semble manquer d’éléments sur lesquels appuyer sa réflexion quant aux risques de décompensation, alors qu’elle devrait être éclairée par l’encadrement médical et hiérarchique sur cette éventualité. La responsabilité du cadre institutionnel est en effet de soulager les accompagnants de la décision lorsqu’ils se trouvent immergés dans les dilemmes de la relation proche, même si ceux-ci gardent de leur côté la responsabilité d’apporter des éléments d’aide à la décision.
Par ailleurs, la littérature médico-sociale ne relate pas de dissimulation d’un décès rendu nécessaire au motif d’un risque psychique grave. Enfin, les connaissances psychologiques convergent autour du caractère plus problématique du silence sur un événement que de sa communication. Celui-ci n’empêche pas la personne d’en pressentir l’existence, mais d’en cerner la réalité et donc d’entamer l’élaboration psychique nécessaire à son dépassement. A contrario, penser la résidente capable d’accueillir la nouvelle avec un accompagnement, ne contribuera-t-il pas à l’assurer de sa valeur, de sa dignité, et à renforcer sa confiance dans l’équipe ?